École primaire Dagmamett d’Agadez



















École Dagmanett
Agadez, ville du désert
Agadez est sise en bordure du désert de l’Aïr.
Nous avons bivouaqué à quelques 50 km de la ville aux pieds des falaises de Tiguidit.
La nuit, j’ai été réveillé par le vent de sable et le froid… Oui, il fait froid la nuit dans le désert. L’horizon était voilé par la poussière, mais là-haut s’ouvrait un ciel d’une pureté infinie. Je crois que c’est la première fois que j’observais la Grande Ourse verticale ! Juste au dessus de moi. Il était 01:30 du matin. J’ai noté…
J’ai eu l’impression que nous étions bien dérisoires sous cette immensité avec nos préoccupations « terre à terre » et notre… escorte armée (voir chapitre suivant).
Agadez, ville du désert : l’envers du décor
Aujourd’hui et depuis quelques années, la zone d’Agadez est décrétée « zone rouge » par les autorités diplomatiques françaises. Cela veut dire « zone interdite » pour nous autres les Blancs et de surcroit Français. À moins exceptionnellement d’être escorté par des forces armées. Ce qui rend la chose beaucoup moins romantique, mais à défaut qui est supposée nous prévenir du danger des enlèvements…
À la tombée du soir, nous avons entendu un appel venu de nulle part. Et puis une silhouette s’est profilée prudemment dans l’obscurité : c’était un berger. Il voulait nous prévenir de sa présence derrière les dunes voisines pour que notre escorte ne lui tire pas dessus par inadvertance !
Ville carrefour
Très peu de goudron en la ville d’Agadez. Deux axes recouverts de sable en saison sèche et ponctuellement inondés en saison des pluies.
C’est vrai que par grand vent, la poussière recouvre la ville. Les véhicules roulent en phare en plein jour. C’est comme un épais brouillard.
Mais une ville rouge née de sa « terre », c’est tellement plus joli qu’une cité toute grise érigée de bitume et de béton importés souvent de bien loin.
Les constructions en banco (murs épais de terre crue) isolent des grandes chaleurs alors que les nouveaux édifices en ciment qui apparaissent inéluctablement, s’apparentent à des saunas dès lors qu’ils sont dépourvus de clim… Mais qui peut se payer la clim ?
Les savoirs faire anciens se perdent. Les coupures d’électricité sont incessantes…
Titouan
Agadez, ville carrefour et melting-pot sur la rive sud du Sahara.
Agadez, surnommée la « porte du désert », est une cité carrefour, un lieu stratégique au croisement des principales routes transsahariennes. Ses premières descriptions, connues à ce jour, remontent à Léon l’Africain qui visite la ville à la fin du XVe siècle, au moment de la disparition de la quasi-totalité des points urbanisés préexistants dans la région. Agadez se serait alors imposé comme plaque tournante des échanges commerciaux et culturels entre l’Est (Egypte) et l’Ouest (actuel Mali), entre le Nord (Mzab et Fezzan, actuelles Algérie et Libye) et le Sud (actuel Nigeria).
La grande mosquée d’Agadez et surtout son minaret, plus haut monument du Sahara construit en banco (argile crue séchée au soleil), érigé au tournant des XVe et XVIe siècles, peuvent être perçus comme un phare, vers lequel convergent tout un monde… Des commerçants caravaniers, bien sûr, des hommes de lettres, de religion et de pouvoir (le sultan de l’Aïr, chargé de régler les différends entre les tribus touarègues de l’Aïr, y a élu domicile depuis le début du XVIe), des guerriers (dont le célèbre Kaocen qui assiégea les troupes coloniales françaises en 1917, point d’orgue d’un vaste mouvement de révolte), des voyageurs, des migrants, des aventuriers, selon la terminologie privilégiée, et même, récemment, depuis quelques mois, des chercheurs d’or en quête d’un nouvel eldorado saharien.
Toutes ces trajectoires, ces histoires de départs, d’arrivées et de retours, ces croisements incessants à travers les siècles, ont fait d’Agadez une ville totalement cosmopolite. L’éventail des langues qui y sont parlées est éloquent. Jusqu’au milieu du XIXe siècle, la langue dominante était un songhay (dit résiduel), originaire de l’ouest (Tombouctou et Gao), dont l’origine serait probablement liée au passage dans la ville de l’empereur songhay, Askya Mohammed, lors de son pèlerinage à La Mecque (1497). Cette langue appelée Ingaltchi est encore parlée actuellement. La langue tamasheq (touarègue) s’est répandue aussi depuis longtemps, à mesure que les Touaregs se rapprochaient des ressources de la ville. Et plus récemment (au cours du XXe siècle), c’est le haoussa qui s’est progressivement imposée comme langue majoritaire, par l’intermédiaire des commerçants de Zinder et de Tahoua. Aujourd’hui, tout le monde parle haoussa à Agadez… même des Touaregs (de la ville) entre eux !
Et depuis une vingtaine d’années, les langues toubou, beri-beri et arabes, dont les locuteurs du même nom proviennent de l’est et du nord-est du Niger, du Tchad et de la Libye, se répandent à leur tour dans les rues de la ville. On pourrait enfin ajouter toutes les langues parlées par les migrants d’Afrique de l’ouest qui font escale à Agadez (parfois pour plusieurs mois, voire plusieurs années), qui en partent et qui y reviennent, aventuriers de fortune ou d’infortune.
Depuis juin 2013, Agadez est inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco. Tous les media, ou presque, qui ont célébré cette reconnaissance internationale ont mis l’accent sur la particularité architecturale de la grande mosquée, sise aux « portes du désert ». Mais le phénomène le plus attirant de la cité ne serait-il pas à chercher justement dans le foisonnement social et culturel né de la rencontre entre toutes ces populations ? Et dans cette quiétude qui demeure au quotidien, alors même que le Sahara semble aspiré par une spirale de crises profondes et violentes…
C.G.