Bobiel, Niamey

École de Bobiel, Niamey
Dessin d'enfant, École Bobiel, Niamey
Dessin d'enfant, École Bobiel, Niamey
École de Bobiel, Niamey
Equipements du CNES, Skype, École Bobiel, Niamey
Séance de portrait, Bobiel, Niamey
Saley, élève réfugié, Titouan Lamazou
Réfugiée de Tombouctou, Titouan Lamazou
Réfugiée d'Assongo, Titouan Lamazou
Tentes de réfugiés dans une rue de Niamey, Titouan Lamazou

École de Bobiel, Niamey

Les écoles publiques de Bobiel 1 et 3 à Niamey, au Niger, occupent un même très grand espace parsemé d’arbres. Ces arbres ont été plantés dans le cadre du projet de protection de l’environnement, « Un enfant, un arbre ».

La directrice, Mme Issoufou, est très dynamique et elle a interpellé les autorités du Niger pour qu’elles installent plus de robinets dans son école pour permettre à tous les enfants de boire au cours de la journée. Aujourd’hui, dans la cour, on compte 4 robinets.

Ils sont ouverts à certaines heures le matin et l’après-midi pour éviter le gaspillage. Les enfants remplissent des seaux d’eau qu’ils ont lavés au préalable et les mettent dans les classes pour stocker l’eau.

Pour les 1300 élèves, il y a seulement une latrine (toilettes).

Comme les écoles sont publiques, les familles ne payent pas l’eau. Normalement, les parents doivent cotiser 1000 francs CFA (1,5 euro) par an à l’association des parents d’élèves pour financer les cahiers, les crayons, etc. Mais les familles qui n’ont pas beaucoup de moyens ne payent pas ces cotisations.

Dans les classes, les enfants sont parfois très nombreux, entre 50 et plus de 60 élèves. Mais le silence règne et les élèves sont très concentrés. Le jour de notre visite, les élèves avaient des compositions (dictée, mathématiques, dessin, français).

Catherine Baron

Génération perdue, par Titouan Lamazou

J’ai séjourné il y a bien longtemps à Tombouctou au Mali. Je m’étais alors lié d’amitié avec plusieurs familles songhaïs, arabes, touarègues dont celle d’Aïcha qui fut l’égérie de mes travaux à l’époque.

En 2012, je me suis soucié de ce qu’il était advenu de la famille d’Aïcha dont je n’avais aucune nouvelle depuis la prise de contrôle des cités du nord par les groupes extrémistes. Des exilés Touaregs en Europe m’ont convaincu que mes amis étaient probablement réfugiés au Burkina Faso ou en Mauritanie.

En février 2013, je me suis rendu dans les camps de réfugiés au nord du Burkina Faso à la frontière avec le Mali. J’y ai retrouvé Aïcha et une partie de sa famille. Et je me suis remis avec plaisir à l’ouvrage, reprenant les travaux que nous avions entamés quinze ans plus tôt…

Je n’avais pas pris conscience que des dizaines, des centaines de milliers de leurs frères avaient fui le nord du Mali par vagues successives ces derniers mois:

« Mariam ? Elle n’est plus cette petite fille de ton dessin ! Elle a deux enfants ! Elle est réfugiée en Mauritanie, au camp de M’Bera ». « Non ma sœur elle, elle est au Niger…». « Leila la pauvre, a été mariée par un djhadiste, elle est sans doute en Lybie… ». « De ceux-ci non, nous n’avons plus de nouvelles… ».

Je décidai de poursuivre mon voyage à la recherche de mes anciennes connaissances dans les camps de réfugiés qui s’égrènent aux frontières du Mali avec le Burkina Faso, la Mauritanie et le Niger… Mais aussi en les villes de Nouakchott, de Ouagadougou et bien sur de  Niamey. Les gens du désert n’aiment pas beaucoup l’idée de se retrouver dans des camps planifiés par des organisations internationales même s’ils peuvent espérer y trouver un minimum de vivres et de protection.  Ces refuges  sont davantage vécus comme des camps de rétention.

Fadimata (la maman de Saley) a tenté comme tant d’autres de rejoindre dans son exil un parent parti commercer à l’étranger, de s’en remettre à un lointain cousin réfugié d’une rébellion plus ancienne et qui s’est définitivement installé dans son pays d’accueil… Fadimata n’a pas retrouvé son oncle de Niamey, mais a eu la chance – s’il on peut parler d’un parcours de chance – de croiser le chemin de la directrice de l’école de Bobiel qui l’a prise sous son aile protectrice.

À Niamey, j’ai rencontré des communautés issues d’un peu partout du nord du Mali. Ils ont fui Goundam, Tombouctou, Gao, Ménaka et d’autres encore qui viennent de Kidal là-bas tout au nord. Ces familles sont principalement composées de mamans et d’enfants. Les hommes courent les routes pour trouver substance. Certains sont restés au pays pour essayer de préserver leurs biens des pillages. Une minorité combat avec la rébellion ou d’autres encore ont péri dans ces combats.

Les femmes se réunissent en tontines pour initier des petits commerces. Elles font comme elles peuvent pour survivre et désespèrent de scolariser leurs enfants. La directrice de l’école de Bobiel a accueilli une cinquantaine de petits maliens comme les enfants de Fadimata dans son établissement. Cela demeure une exception.

Dans les camps de réfugiés des écoles de « campagne » sont érigées sous bâche par les organisations internationales. Mais cela demeure un enseignement prodigué aux tout petits. Une première alphabétisation. Depuis 4 ans, qu’ils soient réfugiés des villes ou des camps, les plus grands, collégiens, lycéens, sont livrés à eux mêmes. Une génération perdue.

Peut-être pas pour tout le monde, doivent penser les groupes extrémistes !

Titouan

Niamey, 22-03

 

Fleuve Niger, par Charles Grémont

Le grand fleuve Niger ne traverse paradoxalement qu’une petite partie du pays auquel il a donné son nom. Il prend sa source au pied des monts Loma, à la frontière de la Sierra Leone et de la Guinée et c’est au Mali qu’il se déploie dans sa plus grande étendue, traversant l’ensemble du pays d’ouest en est et traçant, au nord, aux confins sahariens, une ligne bleue en forme de boucle, entre Tombouctou et Gao. De là il poursuit son cours vers le sud, au Niger puis vers le delta du Nigeria où il rejoint (enfin) l’océan (après un périple de plus de 4 000 km).

Les populations riveraines, selon leurs langues, nomment ce fleuve de différentes manières. Pour les Songhay et les Touaregs du Niger (le pays), cette étendue d’eau est la plus vaste qu’ils connaissent, alors quand ils imaginent la mer, celle-ci ressemble au fleuve. Ils ont d’ailleurs recours au même mot pour désigner le fleuve et la mer (egerew pour les Touaregs, issa pour les Songhay). La mer, imaginée pour la plupart d’entre eux, se dit ainsi le « grand fleuve ».

Dans sa partie nigérienne, le fleuve est un véritable pôle d’attraction. Il concentre les activités économiques primordiales : agriculture fondée sur le riz (de type flottant ou irrigué), élevage grâce aux plaines à bourgou (herbage aquatique recherché en vertu de ses grandes qualités nutritives) et aux terres salées, la pêche bien sûr et le commerce avec le transport fluvial. A Niamey, la capitale, les gens vivent au rythme des crues du fleuve. Chaque saison étant plus au moins propice à la pêche, à la navigation, à la culture du riz et au maraîchage, à l’accès aux animaux, sans oublier le travail des lavandières et bien sûr… les plongeons et autres jeux d’eau particulièrement appréciés des enfants.

Charles Grémont

21-03-2015

Des Maliens accueillis à Niamey, par Charles Grémont

Depuis janvier 2012, plus de deux cent mille maliens originaires des régions du Nord (Gao, Kidal, Tombouctou) ont pris la route de l’exil et se sont réfugiés dans les pays limitrophes (Mauritanie, Algérie, Niger, Burkina-Faso). Nouvelle rébellion touarègue contre l’Etat central, représailles de l’armée malienne sur les civils et occupation armée de groupes islamistes en sont les principales causes. Parmi ces réfugiés, Fadimata wellet Mohammed Alghader (la maman de Saley) a quitté les vallées de l’ouest de Tombouctou, avec ses quatre enfants, pour partir au Niger. Les destinations ne sont jamais fortuites et la proximité géographique n’est pas toujours le premier critère de choix. Plus de mille kilomètres séparent Gharous (le « grand puits » en langue tamasheq, la langue des Touaregs), où elle vivait, de Niamey, la capitale du Niger. « Je savais que le frère de mon papa était installé à Niamey et qu’il pourrait m’accueillir », raconte Fadimata. Mais au terme d’un périple de plusieurs jours de route, l’oncle en question n’était pas là où il était espéré. Il venait de partir en Libye, pays frontalier du Niger, en guerre en lui aussi, et où d’autres parents comptait sur lui. Au Sahara et au Sahel on compte toujours sur un voisin, ou sur un parent proche ou éloigné, pour organiser ses activités quotidiennes, pour améliorer ses conditions de vie, pour se sortir d’un mauvais pas, ou, simplement, pour survivre. A certains moment, comme ces dernières années, plus que d’autres.

A son arrivée à Niamey, Fadimata a bénéficié d’une prise en charge par le Haut Commissariat aux Réfugiés (HCR). Un sac de mil par mois, les trois premiers mois seulement. Pour le reste, elle a dû se débrouiller. Logement, ravitaillement et inscription des enfants à l’école étaient de son ressort, à la différence des populations prises en charge dans les camps (de réfugiés), dans les zones de brousse.

Bobiel est un des nouveaux quartiers de la ville où les Maliens se sont regroupés depuis le début de la crise. C’est là qu’elle est « descendue », comme on dit en Afrique de l’ouest. Là aussi qu’elle a inscrit ses enfants à l’école et qu’elle a trouvé son premier refuge, une case en paille dans un coin de la cour de l’école. La directrice, une femme touarègue de l’Aïr (massif montagneux au nord du Niger, région d’Agadez), lui a offert cette possibilité, après avoir accepté l’inscription de ses enfants à l’école. L’accueil de nouveaux élèves en cours d’année est loin d’être une évidence. Avec parfois des effectifs de plus de 80 élèves par classe, tous les directeurs(trices) ne font pas ce geste, loin de là. Mais abriter une famille à l’intérieur de la cour de l’école n’était pas tenable. Une autre solution s’est alors présentée : la cour de la maison que cette même directrice était en train de construire.

A l’instar de nombreuses familles réfugiées du quartier Bobiel, Fadimata et ses enfants ont ainsi installé leur petite maison de paille sur un chantier en construction. Pour la propriétaire, cela assure une présence, une forme de gardiennage. Et pour la famille accueillie un coin d’habitation dans la ville… le temps que la paix revienne et qu’elle puisse retrouver sa vallée, à plus de mille kilomètres de là. Les nomades ont une grande science de l’art du déplacement, mais ce qu’ils aiment entre tout, eux aussi, c’est pouvoir rentrer chez eux.

Charles Grémont,

Niamey, 22-03-2015